Enfin partis de Osh, nous roulons quelques heures jusqu’au Sud du pays. Nous souhaitions aller au camp de base du Pic Lénine mais le beau temps n’est pas au rendez-vous donc nous continuons jusqu’à la frontière tadjike.

Sary Tash – KG

Les douaniers kirghizes sont très souriants et amicaux, malgré l’impressionnante kalachnikov qu’ils portent tous en bandoulière. Aucun problème pour nous, ils vérifient gentiment la voiture, nous payons la taxe de sortie de l’Union douanière russe et sortons de ce pays magique pour entrer dans l’un des plus grands no man’s land au monde, long de 19 km.

Côté Tadjik, ce n’est pas la même ambiance. Le poste frontière est à 4200 m, le vent est glacial et les douaniers vivent dans des containers insalubres. Les locaux de la douane font peur à voir. Vu leurs conditions de vie, pas étonnant que ces douaniers soient parmi les plus corrompus au monde.

Nous attendons une bonne demi-heure avant de pouvoir faire tamponner nos passeports au premier poste. Au second stop, nous pensons qu’il s’agit de l’importation du véhicule, nous payons donc sans rechigner les 10$ demandés. Mais une fois la taxe payée et le papier entre nos mains, le « douanier » sort une pompe à main et asperge nos roues avec de l’eau savonneuse… Ok, nous nous sommes fait avoir, il s’agit de la pseudo désinfection, taxe pas vraiment légale et qui apparemment va directement dans la poche des douaniers…

Le poste suivant est véritablement celui de l’importation du véhicule, où nous payons les 25$ officiels. Aucun contrôle de la voiture, mais il nous reste une dernière cahute à visiter, qui se situe juste après la barrière de la douane. Cette fois on ne se fera pas avoir ! Le ton monte, les deux hommes nous menacent de sérieux problèmes à la sortie du pays si nous ne payons pas les 20$ demandés, mais qu’importe, nous ne nous démontons pas, les menaçons d’appeler l’ambassade (bien sûr il n’y a aucun réseau mais peu importe !), récupérons nos passeports et claquons la porte de leur « bureau ». Si cela avait été réellement légal, ils ne nous auraient probablement pas laissé partir comme ça. La barrière s’ouvre, ça y est, après trois heures d’attente, nous voilà au Tadjikistan.

Nous redescendons à 4000 m et faisons une pause au bord du lac Karakul, où des jeunes européens voyageant en minibus nous invitent à passer un moment avec eux.

Lac Karakul – TJ

Nous ne nous attardons pas car nous devons retrouver Charlotte et Thomas (les deux motocyclistes partis du Népal) à Murghab le soir même. Nous reprenons vite de l’altitude, jusqu’au col d’Ak-Baital, à 4655 m. C’est le point le plus haut de notre voyage et l’altitude se fait ressentir ! Mais pour le 80′, pas de problème, il fume un peu plus que d’habitude mais grimpe sans encombre (encore une fois, merci à HDJ-Concept !).

Arrivés à Murghab après cette longue journée de route, Ali, le gérant de la guesthouse Erali nous informe que Charlotte et sa moto ont atterri dans une rivière et qu’ils sont donc directement partis en voiture à Douchanbé pour essayer de réparer. Nous ne les recroiserons donc malheureusement pas.

Après un bon plov (plat local à base de riz), une bonne nuit de sommeil et un copieux petit-déjeuner, nous prenons la route pour le Sud du pays, et plus précisément le lac Zorkul, situé à la frontière afghane. Enfin c’est ce qui était prévu, mais le 80′ en a décidé autrement. À peine avons nous fait 100 m que le moteur perd toute sa puissance et manque de caler. Après démontage du pré-filtre, il s’avère que nous avons 90 L de diesel de très mauvaise qualité dans le réservoir et que le circuit est tellement bouché que rien n’arrive dans le moteur. Deux voitures kazakhes (que nous avions déjà croisé à la frontière) s’arrêtent pour nous donner un coup de main. Fab’ démonte la durite entre la pompe de gavage et le réservoir. Un coup d’air dans la durite avec le compresseur et le diesel coule à nouveau à flot. Fab’ a pris une bonne douche au diesel mais le problème est réglé et nous pouvons repartir. Mais combien de temps pourrons nous rouler avant que tout ne se rebouche ? L’avenir nous le dira !

Nous nous enfonçons lentement dans la montagne et bivouaquons à 4200 m au bord d’une petite rivière aux berges verdoyantes, qui contrastent avec les montagnes très rocailleuses. Ici et là, quelques bâtiments abandonnés mais aucune autre trace de civilisation dans ce coin.

En direction du lac Zorkul, les paysages sont magnifiques – TJ

Le lendemain matin, même problème. En fait le diesel que nous avons contient de la paraffine, qui se solidifie avec le froid de la nuit, et bouche tout le circuit. Nous démontons alors l’aménagement à l’arrière du 80′ pour accéder à la trappe située au dessus du réservoir et nettoyer les durites ainsi que la crépine du réservoir. Bingo, un gros bouchon de paraffine sort de la durite. On remonte tout et on s’en va ! Sauf que… toujours aucune puissance dans le moteur…

Bush mécanique à plus de 4200m d’altitude – TJ

Nous passons encore plusieurs heures à démonter le pré-filtre, changer le filtre à gas-oil, mais rien n’y fait. Et bien sûr, aucun réseau pour appeler un mécanicien ! Les heures défilent et soudain, une illumination traverse l’esprit de Fab’ : c’est simplement de l’air qui s’est introduit dans le système lors du nettoyage et le diesel n’est pas encore arrivé au moteur. Il suffit donc de purger l’air et cette fois, nous pouvons réellement reprendre notre route !

Un arrêt chez Aman, juste avant le lac Zorkul, pour nous enregistrer et acheter le permis frontalier et ce soir, nous bivouaquons au dessus du lac, avec une vue imprenable sur les montagnes afghanes.

Lac Zorkul – TJ

Au réveil, c’est reparti pour la douche au diesel, mais cette fois un simple nettoyage de la durite de la pompe de gavage suffit. Nous longeons la rivière qui sépare le Tadjikistan de l’Afghanistan sur de nombreux kilomètres dans une petite vallée et apercevons quelques chameaux mais aucun habitant (ni Taliban !). Il faut dire que cette partie d’Afghanistan est très isolée du reste du pays et seuls quelques éleveurs y vivent.

Une simple rivière sépare les vaches tadjik des chameaux afghans – TJ

Nous avions prévu de longer la frontière et d’aller directement au Wakhan corridor, mais vu nos problèmes mécaniques, il est plus sage de récupérer la M41 et d’aller directement à Khorog. Les paysages sont absolument magnifiques jusqu’à notre arrivé au poste de contrôle militaire. Nous sortons de la zone frontalière et empruntons une piste assez mauvaise jusqu’à la route, qui n’est pas en bien meilleur état !

Wakhan/Zorkul checkpoint – TJ

Cette fois nous avons de la chance, nous dormons à 3000 m et il ne fait pas froid. Ce matin, nous nous épargnons donc une quatrième douche au diesel !

Pamir Highway M41 – TJ

Encore quelques dizaines de kilomètres et nous voilà arrivés à Khorog, la plus grande ville de la région, où la plupart des habitants parlent très bien Anglais, voire même quelques mots de Français ! Nous prévoyons de passer deux nuits à la Pamir Lodge, mais les rencontres que nous faisons et l’ambiance de cette ville nous font rester quelques jours de plus. De plus, cette guesthouse est l’endroit parfait pour faire un peu de mécanique à l’ombre des saules pleureurs. Entretien classique, changement des plaquettes de frein, cela nous occupe une bonne journée.

Après trois nuits passées à Khorog, nous partons pour le Wakhan corridor et longeons la rivière Panch’, toujours à la frontière afghane, et apercevons quelques habitations délabrées de l’autre côté de la rive.

Rapidement, la vallée s’élargit et verdit. Dans chaque village, la route est bordée d’arbres et les enfants nous saluent. Nous essuyons une petite tempête de sable, qui explique le peu de photos de la vallée dû au manque de visibilité.

Wakhan Corridor – TJ

En fin d’après-midi, nous nous arrêtons aux sources d’eau chaude de Bibi Fatima, qui offrent une vue imprenable sur la vallée et sur une forteresse en ruine. Il y a deux bassins d’eau chaude : un pour les hommes et un pour les femmes. Nous nous séparons donc et faisons connaissance avec nos compagnons de bain qui nous posent de multiples questions sur notre voyage. Tout le monde ici semble très heureux de voir des touristes dans cette région et une fois de plus, l’accueil est très chaleureux.

Nous roulons encore quelques kilomètres avant de poser le camp à côté d’une petite cascade, où nous prendrons une douche bien fraîche le lendemain matin. Nous pensions avoir besoin de trois jours pour traverser cette vallée et revenir à Khorog mais en fait la piste n’est pas si mauvaise qu’on nous l’avait indiqué, et après un jour et demi, nous sommes déjà de retour sur la mauvaise piste après le poste de contrôle militaire.

Nous décidons donc de rentrer directement à la Pamir Lodge plutôt qe de bivouaquer une nuit de plus non loin de la route, d’autant plus que nous avons déjà parcouru cette route. Le temps d’arriver à Khorog, c’est l’heure du dîner, que nous partageons avec Janusz et Ursel, un couple d’Allemand rencontré quelques jours auparavant.

Après quelques soirées à discuter avec eux, nous changeons notre programme et décidons de les suivre sur la Bartang Valley. Cette route était l’une des seules routes qui traversait le pays avant la création de la M41. Elle est désormais empruntée uniquement par les habitants des quelques villages de la vallée et par quelques touristes aventureux.

Une seule question se pose au moment du départ. Est-ce-que nous reprendrons la M41 pour poursuivre notre périple, comme prévu, par Douchanbé ? En effet la frontière kirghize sera alors très proche et faire la même route deux fois ne nous enchante pas plus que ça, surtout qu’il est très tentant de retourner dans notre pays coup de cœur…

Le premier jour, nous traversons de nombreux villages sur une petite route puis une piste assez praticable bien qu’assez étroite par endroits.

Bartang Valley – TJ

Ici, tout le monde travaille dans les champs, principalement à la récolte du foin, qui se fait entièrement à la main. Les meules sont ensuite transportées à dos d’homme ou d’âne sous une chaleur écrasante. Cela change de l’agriculture industrialisée que nous connaissons.

Il est encore tôt, nous roulons encore quelques kilomètres et nous arrêtons car ce soir, c’est soirée crêpes !

Photo prise par Ursula – www.asienreisende.de – TJ

Le lendemain, la piste serpente le long d’une rivière très sablonneuse avec de forts courants.

Nous arrivons bientôt dans un décor rocailleux surréaliste et nous arrêtons pour nous essayer à la traversée assez périlleuse d’un petit pont en bois.

Pont piéton typique de la Bartang – TJ

Photo prise par Ursula – www.asienreisende.de  – TJ

Nous roulons doucement sur cette piste pour l’instant assez facile mais souvent impressionnante. En effet, la plupart du temps, nous sommes à seulement quelques centimètres du vide ou de la rivière.

Pont typique de la Bartang – TJ

Un peu plus loin, un passage à gué le long des rochers nous attend. Nous passons les premiers, et nous retrouvons vite plantés dans un bac à sable. Apparemment, nous avons mal compris ce que les locaux nous ont dit et n’avons pas pris le bon chemin ! Le 80′ a calé, et le pot d’échappement est sous l’eau, il nous est donc impossible de redémarrer… Heureusement l’Iveco de Janusz et Ursel est là pour nous sortir d’affaire et en un coup de treuil, nous sommes sortis de cette mauvaise posture.

Tanqué! Photo prise par Ursula – www.asienreisende.de  – TJ

Treuillage. Photo prise par Ursula – www.asienreisende.de  – TJ

Le troisième jour, les paysages sont tout aussi hallucinants que les jours précédents et notre pause déjeuner se fait les pieds dans l’eau, dans un affluent de la rivière. Vu la chaleur avec tous les rochers qui nous entourent, un peu de fraîcheur ne fait pas de mal !

Photo prise par Ursula – www.asienreisende.de  – TJ

Ce soir, Fab’ et moi préparons un confit de canard et des gésiers accompagnés de pommes de terre sarladaises. Nous gardions précieusement ces boîtes de conserve pour un moment spécial, et la Bartang vaut largement ce festin. Ursel et Janusz pensaient que nous blaguions lorsque nous leur avions parlé de canard, ils ne savaient pas encore que les Français ne plaisantent jamais avec la nourriture !

Jour 4, nous quittons le lit de la rivière pour monter à presque 4000 m par une piste qui se rétrécit encore et encore. Le 80′ fait maintenant exactement la largeur de la piste, il ne faut pas se louper car nous sommes à plusieurs centaines de mètres du sol… Mais cet impressionnant passage nous offre un magnifique panorama sur toute la vallée en contrebas.
Arrivés en haut, la piste s’élargit puis traverse une immense plaine où nous nous arrêtons pour contempler la beauté du cadre qui nous entoure. Ursel et Janusz nous rejoignent, l’endroit est tellement féerique que nous décidons de finir la journée ici pour en profiter malgré le vent qui souffle.

Cinquième et dernier jour, une piste très facile nous fait sortir de la Bartang Valley. Nous avons adoré cet endroit et le quittons à regret pour rejoindre la M41 après ces quelques jours en dehors du temps.

Pour le déjeuner, nous nous installons au bord du lac Karakul, à quelques dizaines de mètres de la frontière chinoise. Quelques minutes passent et un van s’approche. Il s’agit de la famille de Barcelonais que nous avions rencontré à Khorog. Un déjeuner s’improvise avec le reste de provisions de chacun, en toute simplicité et convivialité.

Photo prise par Ursula – www.asienreisende.de  – TJ

Puis il est temps de les quitter et de reprendre notre route. Notre décision est prise, nous continuons avec Ursel et Jansz et retournons au Kirghizistan ! Comme le disent si bien Marc Mellet et Jeanne-Sarah Savart : « Fort heureusement, il existe encore des voyages qui ne se passent pas comme prévu… » Tant pis pour la fin de la Pamir Highway, il nous faudra revenir ! Il est encore tôt donc normalement nous aurons le temps de passer la frontière avant la nuit.

Avant la montée au col où est située la frontière, il nous reste un petit water crossing, qui nous prendra beaucoup plus de temps que prévu puisqu’un Kirghiz a planté sa voiture en plein milieu. Qui sait depuis combien de temps il attend que quelqu’un le sorte de là ! Nous tentons une première fois avec sa sangle, qui lâche. Seconde tentative avec notre treuil (décidément, il aura plus servi ces derniers jours que depuis notre départ !). La voiture ne bouge pas d’un millimètre et si ça lâche, nous risquons de prendre son pare-choc dans le pare-brise. Changement de technique, nous sortons la corde pour le tirer. Cette fois ça fonctionne, et en quelques secondes le voilà sur la terre ferme. Mais il n’est pas pour autant tiré d’affaire : après son séjour dans l’eau, la voiture refuse de démarrer. Nous restons une bonne demi-heure à essayer de réparer mais rien à faire. Nous le laissons donc entre les mains de Kirghizes qui viennent d’arriver, et montons jusqu’à la frontière.

Entraide.. Photo prise par Ursula – www.asienreisende.de  – TJ

Cette fois c’est beaucoup plus rapide et personne n’essaye de nous soutirer de l’argent, ce qui n’est pas désagréable ! Ursel et Janusz arrivent même à faire passer en douce les cornes d’Argali qu’ils ont caché sur le toit. Heureusement pour eux, sinon c’était 5000$ pour les sortir du pays ! Mais comme à l’aller, ces douaniers qui vivent dans des conditions de misère n’accordent aucune importance aux voitures et à ce qu’elles peuvent bien contenir.

19 km dans le no man’s land et nous voilà à la frontière kirghize. C’est bon d’être de retour ! Les douaniers vérifient rapidement la voiture et n’ayant pas envie de tout fouiller, nous demandent si nous transportons des armes. Notre éclat de rire et la réponse : « Da, sobaka » (« oui, un chien ») les fait rire et ils nous envoient au prochain poste, où nous nous acquittons de la taxe douanière de 1000 Som.

Il est déjà tard donc nous stoppons non loin de la frontière. Au réveil, le scénario kirghize classique : des vaches et des chevaux paissent tranquillement autour des voitures. C’est l’heure de jouer pour Flash, qui course quelques veaux peu farouches. Des enfants viennent nous voir, pas de doute, nous sommes bien de retour au Kirghizistan !

« Le petit garçon, son âne et son chien » – KG

Encore quelques heures de route et nous arrivons (encore une fois) à Osh, où nous allons passer quelques jours avant de poursuivre notre route vers l’Ouzbékistan.

_Laure